Les échanges de matériel végétal à l'origine de l'introduction d'organismes nuisibles

Les caractéristiques génétiques des espèces introduites

Les caractéristiques génétiques des espèces sont des éléments déterminants pour expliquer le succès des invasions.

  • La diversité génétique au niveau de la population est un facteur favorable pour les espèces introduites.

En effet, plus une espèce est variable génétiquement, plus la probabilité que des individus adaptés aux nouvelles conditions existent déjà ou apparaissent rapidement après quelques générations de sélection est importante. C'est pourquoi, le nombre d' individus introduits et leur diversité (notamment en cas d'introductions multiples à partir de sources différentes) augmente la probabilité d'établissement dans l'aire d'introduction. Le cumul d'allèles favorables à de multiples locus permet de s'adapter rapidement.

Remarque

La reproduction sexuée, en permettant la recombinaison et la dispersion de la variabilité génétique, influe sur le niveau de diversité génétique au sein de la population et sur ses capacités d'adaptation.

Chez les organismes à multiplication majoritairement clonale, des « processus » permettent de générer de la variabilité génétique.

Par exemple, chez les virus, les événements de recombinaison homologue et hétérologue, les réassortiments chez les virus segmentés et des taux de mutation élevés permettent d'accroître la variabilité génétique.

De même, les transferts horizontaux de matériel génétique (notamment par conjugaison) contribue à la diversité génétique des populations bactériennes et des phénomènes de parasexualité ont été décrits chez certains champignons.

Les populations nouvellement arrivées sont soumises à des effets fondateurs après introduction. L'effet fondateur et la dérive génétique dans de petites populations réduisent la diversité génétique.

En effet, la sous-population peut n'avoir été fondée qu'à partir d'un échantillon très réduit du pool d'allèles disponibles dans la population de départ. Un tel effet fondateur favorise la dérive génétique qui désigne le processus par lequel les fréquences alléliques changent au hasard d'une génération à l'autre dans les petites populations en raison de l'échantillonnage des gamètes pour créer la génération suivante. Ce processus de dérive génétique est aussi observé parmi les populations d'agents pathogènes n'ayant pas de reproduction sexuée à proprement dite mais qui possèdent des mécanismes de diversification génétique comme la mutation et la recombinaison (homologue et hétérologue).

Ceci est défavorable à l'établissement et à l'installation d'une population fondatrice  si les individus immigrants ne sont que partiellement adaptés à leur nouvel environnement. Un déficit de variabilité pour les caractères importants pour l'adaptation locale va empêcher ou ralentir fortement l'installation de la population. Une faible démographie peut renforcer encore ces effets.

Attention, cependant, un fort effet fondateur dans les populations nouvellement arrivées, remaniant profondément les fréquences des combinaisons alléliques, peut augmenter la probabilité que cette population devienne invasive.

En effet, de nouvelles combinaisons alléliques mettant en interaction plusieurs endroits du génome peuvent alors apparaître. Ces combinaisons, rares, qui pouvaient être contre sélectionnées dans la population de départ en compétition avec d'autres combinaisons plus fréquentes peuvent éventuellement se montrer très performantes dans le nouvel environnement et s'installer rapidement. Elles n'auraient jamais pu l'être sans dérive, c'est la théorie des pics adaptatifs de Wright.

Ainsi, on a pu montrer que des goulots d'étranglement sévères et une faible diversité génétique ne compromettent pas forcément une invasion rapide d'un nouvel environnement.

Par exemple quand Drosophila subobscura a colonisé le sud du Chili dans les années 70, la population fondatrice comprenait moins de 15 individus. Cette estimation découle de données génétiques. En dépit de ce faible effectif, en seulement 20 ans, D. subobscura s'est répandue sur une amplitude de 12° de latitude, a formé des clines géographiques de la taille de l'aile et a divergé des populations ancestrales (cité dans Sax et al., 2007[1]).

  • La rapidité d'adaptation est un des déterminants du succès de l'invasion. Cette adaptation peut concerner des traits liés à une meilleure dispersion, une capacité à coloniser/se nourrir sur un nouvel hôte (switch d'hôte), une compétition accrue par rapport aux espèces indigènes, une capacité de développement dans de nouvelles conditions climatiques. L'adaptation peut être plus ou moins rapide. Il existe en effet souvent un temps de latence entre l'arrivée des espèces invasives et leur explosion (en termes de dégâts).

Par exemple, la capacité à effectuer un saut d'hôtes peut permettre à un agent pathogène de s'adapter rapidement à un nouvel hôte naïf.

Chryphonectria parasitica, champignon phytopathogène de Castanea crenata dans son aire d'origine (Chine, Japon) a provoqué après son introduction en Amérique la maladie de la brûlure du chataignier « chestnut blight » sur Castanea dentata aboutissant à la destruction des châtaigniers américains.

  • L'adaptation peut reposer sur des modifications génétiques héritables sélectionnées dans le nouvel environnement. La plasticité phénotypique (c'est-à-dire la capacité d'un génotype à produire différents phénotypes en fonction de l'environnement) peut aussi contribuer à l'adaptation d'une espèce dans son aire d'introduction.

  1. Sax et al., 2007

    Sax D F, Stachowicz J J, Brown J H, Bruno J F, Dawson M N, Gaines S D, Grosberg R K, Hastings A, Holt R D, Mayfield M M, O'Connor M I and Rice W R (2007). Ecological and evolutionary insights from species invasion. Trends in Ecology & Evolution 2007, Vol 22, Issue 9, pp 465-471.

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