L'agriculture de conservation joue sur l'équilibre dynamique entre les apports de matière organique au sol et les pertes par minéralisation ou par érosion, mais également sur la distribution des matières organiques dans le sol.
L'AC peut tout d'abord avoir un impact sur les apports de carbone, notamment si elle induit des différences notables de productivité des cultures. La rotation des cultures et le devenir de leurs résidus ont un impact élevé sur le stock de carbone du sol. La présence de cultures intermédiaires peut aussi augmenter sensiblement les apports de matières organiques au sol.
Cependant, le positionnement des résidus végétaux en surface dans le cas du semis direct limite le contact sol-résidus et peut ralentir leur vitesse de décomposition.
L'AC a surtout un effet sur les pertes de matière organique des sols (MOS) par minéralisation et par érosion. Différents auteurs ont noté des émissions plus importantes de CO2 à partir du sol après un travail du sol, comparativement à un sol non travaillé. L'AC modifie tout d'abord des conditions du milieu (oxygénation, température, humidité) auxquelles sont sensibles les organismes responsables de la minéralisation. C'est surtout la diminution de la perméabilité à l'air – et donc du taux d'oxygène dans le sol – qui affecte la minéralisation. Les températures de sol plus faibles parfois observées en AC (notamment au printemps en zone tempérée) peuvent également expliquer une réduction de la minéralisation. L'AC modifie ensuite l'accessibilité de la MOS aux micro-organismes responsables de sa minéralisation. En effet, le travail du sol conduit à diluer les matières organiques sur la couche travaillée, et donc à réduire la stabilité structurale de la couche de surface, comparativement à un sol non travaillé. Chaque année, de nouvelles fractions du sol sont exposées à l'action dé-structurante du climat. Les deux modes d'action du travail du sol sur la décomposition des matières organiques sont décrits dans la figure suivante où les auteurs mettent en avant la notion de protection des matières organiques au sein des agrégats. | Structure de sol avant un semis de colza- Agriculture de conservation.com |
Fondamental :
L'augmentation de la teneur en MOS en AC résulte donc essentiellement du ralentissement de la minéralisation et, dans certains cas, de la diminution de l'érosion. L'utilisation de plante de couverture en interculture, en augmentant la quantité de carbone entrant dans le système, est de nature à augmenter plus rapidement la teneur en MOS. Mais finalement, si l'augmentation de la quantité totale de MOS peut avoir des effets à moyen-long terme (rétention d'eau et d'éléments, stabilisation de la structure), l'impact essentiel de l'AC résulte de la localisation en surface de la MOS, à l'interface sol – atmosphère. Cette position lui permet de jouer des rôles essentiels dans le fonctionnement de l'agrosystème :
protection de la surface du sol (écran, stabilisation des agrégats) permettant de diminuer la sensibilité du sol aux agressions (érosion...),
abri et nourriture pour les organismes habitués à se nourrir à la surface (ex : lombriciens, arthropodes, gastéropodes) permettant d'augmenter l'activité et la diversité biologique,
surface d'échange sol – air – eau pouvant favoriser les fonctions de transformation et de filtrage du sol.
Auteur : Stéphane de Tourdonnet