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Les plantes de couverture

Intérêts

Intérêts agronomiques

Un des principaux intérêts de ces 4 espèces de brachiaria est qu'elles sont capables de remobiliser rapidement de la fertilité au profit des cultures, en particulier sur des sols ferrallitiques acides fortement désaturés et plus ou moins dégradés. Ces sols représentent dans le monde tropical des dizaines de millions d'hectares défrichés mais qui sont inexploitables avec travail du sol sans apports massifs d'amendements et d'engrais minéraux.

Un autre intérêt majeur est leur capacité à restructurer rapidement des sols compactés, même en profondeur. B. humidicola, au système racinaire le plus puissant est le plus rapide et le plus efficace pour cela. B. brizantha et B. decumbens sont également très performants alors que le B. ruziziensis, au système racinaire moins puissant prendra un peu plus de temps.

Forte production de biomasse sur sol dégradé (B.brizantha cv Marandu). Photo : O.Husson

Ces 4 espèces permettent également d'obtenir une très forte production de biomasse, en particulier grâce à leur cycle en C4 et leur capacité à extraire des éléments nutritifs comme le phosphore. La très forte production de biomasse aérienne (plus de 20 tonnes de matière sèche par hectare pour les parties aériennes et 5 t/ha pour les racines) permet d'injecter rapidement du carbone, dans les horizons de surface (en très forte quantité) mais aussi directement en profondeur (où ce carbone sera protégé) grâce aux racines. La structure du sol en est améliorée, durablement.

Les brachiarias sont en conséquence parmi les plantes les plus efficaces pour décompacter rapidement les sols et augmenter leur taux de matière organique, en particulier les sols acides comme les sols ferrallitiques de Madagascar

D'autre part, les brachiarias et en particulier B. humidicola, grâce à leur vigueur et leur croissance rapide, et leur capacité à se multiplier végétativement, sont capables de dominer la plupart des adventices, annuelles ou pérennes comme Imperata cylindrica, Rottboelia exaltata ou le striga. La forte production de biomasse permet également de maintenir une couverture végétale suffisante pour contrôler les adventices la saison suivante.

Bien que n'étant pas des légumineuses, leur association avec des bactéries libres fixatrices d'azote leur permet de fixer jusqu'à 50 unités N/ha/an, quantité non negligeable. Les brachiarias sont d'excellents fourrages qui permettent d'améliorer les rations des animaux tout au long de l'année.

B. humidicola ne brûle pas facilement et survivra à des feux occasionnels, tout comme B. brizantha. B decumbens est peu sensible au feu et redémarrera rapidement par ses graines et ses stolons. B. ruziziensis redémarrera également après le passage de feu. Enfin, la paille de brachiaria n'est pas mangée par les termites, phénomène observé pour B. ruziziensis au Nord Cameroun et à Madagascar, et pour B. humidicola sur la côte Est malgache alors que sorgho, maïs et mil étaient largement consommés par ces insectes. Cela permet de maintenir un paillage sur le sol pour la culture en semis direct la saison suivante.

Intégration dans les systèmes de cultures

Cultures possibles en association ou succession

Étant très compétitifs par leur capacité à se développer rapidement, même sur des sols pauvres, les brachiarias doivent être associés aux cultures avec précaution. La compétition entre les cultures et les brachiarias peut être évitée de différentes façons.

On peut pour cela :

  • décaler dans le temps l'implantation du brachiaria par rapport à la culture principale (les brachiarias utilisent bien les dernières pluies et peuvent se développer durant une partie de la saison sèche)

  • localiser les semences de brachiaria suffisamment profond (4 à 7 cm) pour en retarder l'émergence.

  • adapter les espacements entre culture et brachiaria

  • localiser la fertilisation au pied de la culture pour la favoriser

  • faucher régulièrement le brachiaria qui pourrait faire de la compétition

Ils peuvent ainsi être associés à des cultures comme le riz ou surtout le maïs sur des sols riches ou fertilisés, ou du manioc sur des sols pauvres. L'association manioc + brachiaria par exemple, bien gérée, bénéficie très fortement au manioc et permet de doubler ou tripler les rendements par rapport à la culture pure du manioc dans les régions où la pluviométrie supérieure à 800 mm/an n'est pas un facteur limitant. L'association riz + B. ruziziensis peut être pratiquée avec succès pour l'installation de pâturage. Le brachiaria doit alors être associé à un riz de cycle très court (90-100 jours) qui est implanté en semis simultané ou décalé de 20 jours. Ces systèmes appelés “Barreirâo” ou “Santa Fé” dans le centre du Brésil permettent de pratiquer un élevage bovin plus intensif, le riz servant à couvrir les frais d'implantation et/ou de rénovation du pâturage pour 4 à 5 ans d'exploitation.

Les brachiarias peuvent aussi être associés à des légumineuses (comme Stylosanthes guianensis, Arachis pintoï ou Cajanus cajan) dans un pâturage pérenne.

Moyennement tolérants à l'ombrage, ils peuvent cependant être utilisés en couverture vive des vergers ou plantations, en les maîtrisant par fauche manuelle ou mécanisée (gyrobroyeur décalé) sur les lignes d'arbres. Sur sols compactés, ils peuvent être très intéressants pour l'amélioration de la structure du sol avant plantation d'arbres qui bénéficieront du travail des racines puissantes et de la recharge du sol en carbone. L'association avec une légumineuse (type Acacia sp.) permet également un meilleur développement du brachiaria qui profite de la fixation d'azote par l'arbre.

Cultures possibles en rotation

Par leur capacité à restructurer les sols et à contrôler les adventices, les brachiarias sont d'excellents précédents pour toutes les cultures qui exigent une bonne porosité: le riz en particulier bénéficiera largement de ses effets. Cependant, la culture en SCV de céréales dans un paillage de graminée peut fortement souffrir d'une faim d'azote (immobilisation temporaire de l'azote par les bactéries dans les premiers stades de décomposition du paillage), si la couverture n'a pas été contrôlée suffisamment tôt et/ou sans apport d'azote conséquent au semis (50 kg N/ha au semis).

La culture de légumineuses (soja, haricot, niébé, arachide, dolique, vigna umbellata, etc.) après brachiaria permet d'éviter ce problème et permet généralement un gain de rendement considérable. Le contrôle chimique des éventuelles repousses de brachiaria dans une culture de légumineuse est également plus facile que dans une culture de riz. Pour que la culture bénéficie de ces effets bénéfiques, il faut cependant que le brachiaria se soit suffisamment développé, ce qui peut prendre plus d'une année en conditions défavorables (sols très dégradés, climat subtropical avec saison froide, climat semi-aride).

Gestion des systemes SCV avec brachiarias

Fauche du brachiaria dans le maïs. Photo : O.Husson

Les brachiarias sont relativement faciles à gérer en SCV et offrent une grande souplesse sur les calendriers de culture en semis direct :

  • La période possible de plantation s'étale sur plusieurs mois (novembre à février dans la plupart des zones agroécologiques de Madagascar, toute l'année dans le Sud-Est humide).

  • Si le brachiaria s'est développé rapidement, il peut être remis en culture directement après une période de croissance relativement courte (5- 6 mois). Toutefois, en cas d'impossibilité de remise en culture (accident, maladie, manque de moyens, etc.) il peut être laissé en place une ou plusieurs années ce qui permettra l'amélioration du sol, la production d'une biomasse très importante et l'utilisation éventuelle pour l'alimentation animale

  • En cas de développement insuffisant la première année, il peut être laissé en jachère améliorée (ou pâturage). On peut aussi y implanter du manioc (et même du maïs en altitude où le brachiaria se développe plus lentement), en le contrôlant simplement (par fauchage). Cela permettra au brachiaria de se développer et de produire une forte biomasse tout en produisant des grains ou des tubercules et donc sans immobiliser la terre pendant une saison.

  • En cas de compétition avec la culture principale (mauvais calage de cycle, faible croissance de la culture sur sol pauvre, etc.), les brachiarias peuvent être fauchés (et éventuellement utilisés pour l'alimentation des animaux).

  • La multiplication de semences est facile, dans la plupart des conditions climatiques et de sol. Seul B. humidicola a une production en général faible de semences (sauf en altitude). De plus, les quantités nécessaires pour le semis sont faibles (3 à 10 kg/ha). Il est cependant nécessaire de lever leurs dormances.

  • Ils peuvent être facilement multipliés par boutures ou éclats de souches, avec une reprise plus rapide que par graines.

Intérêts économiques

La première année d'implantation du brachiaria, l'investissement se limite à l'achat des semences ou éclats de souches et au temps de plantation ou de semis en poquets (15-20 jours/ha) ou à la volée (2 jours/ha).

L'association Manioc + Brachiaria est particulièrement rentable, dès le premier cycle de culture, avec des rendements pouvant atteindre 20 à 30 t/ha avec un simple apport de fumier. Si l'on dispose d'herbicide, les temps de travaux sont réduits drastiquement dès la première année en semis direct par suppression du labour et réduction forte du temps de désherbage en particulier.

La disponibilité et le coût de l'herbicide peuvent cependant être un frein à la diffusion de systèmes sur couverture de brachiaria qui nécessitent un investissement notable en intrants (herbicides et engrais) qui bien que généralement très rentable peut être difficile à réaliser dans le cadre d'une petite agriculture familiale, dominante à Madagascar.

Intérêts environnementaux

Les aptitudes agronomiques des brachiarias en font des plantes très intéressantes sur le plan environnemental. Ils permettent :

  • de remettre en valeur des zones abandonnées, en particulier grâce à la possibilité qu'ils offrent de décompacter les sols, de mobiliser de la fertilité et de supplanter la végétation naturelle pour produire une forte biomasse de fourrage de bonne qualité, permettant la pratique immédiate de l'élevage au moindre coût.

  • de protéger des zones fragiles, réduisant ainsi l'érosion et son impact sur les zones en aval. B. humidicola est dans ce domaine le plus performant, protégeant totalement les sols par ses nombreux stolons et son système racinaire extrêmement dense en surface.

  • de stabiliser les diguettes et les talus en bord de parcelles tout en produisant du fourrage.

Auteur : Husson O. et al. (2013). Manuel pratique du semis direct sur couverture végétale permanente (SCV). Application à Madagascar. GSDM/CIRAD.

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