Les processus d'apprentissage
L'agronome a pour mission de définir le champ des possibles et d'en discuter avec les agriculteurs, individuellement et collectivement. Il doit ouvrir de nouveaux horizons et proposer aux producteurs un processus complet d'apprentissage et des mesures d'accompagnement leur permettant de procéder aux changements qu'ils ont choisis de faire. Au-delà de la démonstration de l'intérêt de l'innovation, l'agronome doit imaginer et mettre en œuvre un ensemble de démarches pour faciliter l'adoption des innovations et bien souvent les changements organisationnels et politiques qui vont avec.
Question
Quels types d'outils et méthodes pourraient être utilisés pour faciliter l'adoption des innovations,(ou leur adaptation), accélérer la diffusion des connaissances sur les nouvelles pratiques agricoles. Essayez d'ouvrir de nouveaux horizons pour l'apprentissage, Comment l'agronome et le personnel des projets peuvent faciliter ces apprentissages, avec quels outils, quels méthodes ? Les producteurs et leurs organisations ont-ils un rôle à jouer dans ces processus de diffusion et d'apprentissage ? Donner votre point de vue, soit à partir de cette étude de cas ou d'autres situations de développement que vous avez rencontrées ou étudiées.
L'innovation technique co-conçue par l'agronome, certains producteurs et d'autres acteurs vise à aider les agriculteurs. Au-delà de la co-conception l'agronome est là pour faciliter l'adoption des innovations sans chercher à les imposer (ou à les vendre). Pour atteindre ces objectifs il doit avoir des compétences techniques et partenariales, et maitriser différentes méthodes d'intervention. Pour que le producteur adhère à l'idée de changer en profondeur ses pratiques (ses systèmes de culture et d'élevage) il faut lui fournir les preuves que ces changements vont améliorer ses résultats et/ou ses conditions de travail. Cet objectif peut être atteint par la réalisation de démonstrations avec et chez les producteurs, et si besoin en en amont sur des sites d'expérimentation gérés par le Projet ou des structures de recherche.
En tant qu'agronome vous ne pouvez pas décider des changements à la place des producteurs. Il n'existe pas de solutions uniques/passe-partout ou de solutions miracles qui s'appliquent à tous les types d'agriculture et toutes les situations. Par exemple l'agriculture de conservation/les SCV n'est pas toujours la meilleure solution pour améliorer les performances des exploitations familiales, cela va dépendre des conditions de milieu physique, économique et sociale et des capacités d'action des agriculteurs.
Dans bien des cas l'adoption et la diffusion d'innovations techniques impliquent de la concertation et de la communication entre acteurs et si besoin, des innovations organisationnelles (c'est-à-dire des nouvelles façons de faire, de travailler ou de vivre ensemble). Anticiper les tensions et les conflits entre acteurs des territoires constitue aussi une mission des agronomes et nécessite l'appui de sociologues.
Dans un contexte d'agriculture familiale africaine caractérisé par des ressources communes et partagées, et la petite taille des exploitations, l'action collective est souvent nécessaire au changement individuel. Dans le cas du passage à l'agriculture de conservation dans les savanes d'Afrique subsaharienne, et au Cameroun en particulier, le besoin de coordination entre les producteurs est crucial en termes de gestion de l'espace, des déplacements des troupeaux et d'usages des biomasses. Cette coordination peut émaner d'une simple concertation entre ces acteurs ruraux mais il peut être nécessaire de susciter de nouvelles règles de gestion et donc de contrôle et de régulation. La conception de ces règles est complexe car elle doit reposer sur un consensus entre acteurs et doivent être acceptées par les autorités coutumières. Au nord du Cameroun et dans bien des pays d'Afrique subsaharienne, les chefferies traditionnelles jouent un rôle important dans la gestion des territoires, du foncier et des ressources naturelles (soit pour l'attribution de droit, soit pour le contrôle et le règlement des conflits). De plus les modifications des règles de gestion locales doivent être en cohérence avec le droit moderne et ses évolutions, ou du moins cette dynamique sociale devra bénéficier de l'appui des autorités publiques.
D'autres actions collectives sont souvent nécessaires à l'adoption/diffusion de l'innovation. Par exemple pour l'approvisionnement en intrants et équipements spécifiques à cette innovation. Dans le cas de l'Agriculture de conservation les agriculteurs peuvent gérer en commun des petits semoirs de semis direct (en traction animale ou tirés par un motoculteur) qui sont onéreux. De même ils peuvent s'organiser entre eux pour produire et s'échanger des semences de plantes de couverture. Ces actions peuvent être transitoires si le secteur privé de l'agrofourniture est en mesure de prendre la relève. Dans d'autres cas la modification de l'assolement et du choix des cultures induit par l'adoption de l'AC implique que les producteurs s'organisent pour la commercialisation d'un produit obtenu en plus grande quantité (surproduction par rapport aux besoins locaux habituels) ou d'un nouveau produit (des légumineuses à petite graine comme l'ambérique).